GHOSTS OF MARS

 
Un film de John Carpenter

Etats-Unis. 2001. Scénario : Larry Sulkis et John Carpenter. Photo : Gary B. Kibbe. Musique : John Carpenter. Production : Sandy King. Durée : 1 h 40.

Avec Natasha Henstridge, Ice Cube, Jason Statham, Pam Grier et Clea Duvall.
 
Mars attacks.
Le lieutenant Mélanie Ballard fait son rapport à ses supérieures. Au féminin, puisque sur Mars, les femmes sont au pouvoir. Enfin, plus pour longtemps : selon Mel, des esprits diaboliques indigènes sont en train de prendre possession des êtres humains. Comme ces derniers se transformaient en Marylin Manson, le rappeur Ice Cube, le lieutenant Ballard et ses trouffions ont voulu leur casser la tête. Mais c'était pas de la tarte.

Assaut sur la planète rouge.
Carpenter est un mythe. Il n'empêche que malgré tout son talent, le plus indépendant des réalisateurs yankees semblait mort avec les années 80. Si "Vampires " présentait un (très) maigre intérêt, ses autres livraisons frisaient le ridicule le plus navrant, alternant films sans réel enjeu ("Le village des damnés ") et daubes baveuses ("Escape from L.A. "). Son projet concernant la planète rouge ne donnait pas franchement l'eau à la bouche. La réalité est toute autre. Carpenter fait avec "Ghosts of Mars " un retour fracassant. Sans aucun doute l'un de ses films les plus couillus et les plus percutants. A la place d'un improbable western extra-terrestre, il livre une ultime variation sur les œuvres qui n'en finiront jamais de hanter sa cinéphilie : "Rio Bravo " et "La nuit des morts vivants ". Il rendait dès ses débuts un hommage vibrant aux films de Hawks et Romero avec "Assaut ", avant de remettre le couvert pour "Escape from N.Y. " et "Invasion Los Angeles ".

 

Ici, le schéma tactique est de nouveau le même, effrayant de simplicité : les héros s'enferment dans un bâtiment pour se protéger d'assaillants sanguinaires et inhumains, avant de chercher un moyen de fuir. Déjà vu mille fois et pourtant palpitant. D'abord parce que Carpenter à l'idée judicieuse de multiplier les points de vue et les ponts entre les personnages. Le récit est un flash-back (c'est le lieutenant interprété par Natasha Henstridge qui raconte), sans cesse criblé de nouveaux retours en arrière, de changements de personnages témoins de l'action. Il en résulte une histoire en forme de puzzle, pas fastidieuse pour un sou et extrêmement ludique (d'autant que l'art consommé du fondu enchaîné fluidifie et donne un côté évanescent aux péripéties). L'univers de "Ghosts of Mars " est de plus à la fois d'une originalité audacieuse et d'un classicisme réjouissant. Le sexe dit faible domine la société et les mâles. Si Jason Statham ("Snatch ") et Ice Cube sont impeccables de machisme bidon ; la vraie révélation est bien Natasha Henstridge, dans un rôle physique au féminin comme on n'en avait pas vu depuis "Aliens : le retour ".

 

Et tout ce petit monde, des femmes qui en ont et des mecs qui ne s'en laissent pas côté, font uniquement ce qu'ils savent faire et qui les rapproche : distribuer à volonté les pains. Carpenter filme près des corps. Ses scènes de baston sont nerveuses, extrêmement énergiques, et rythmées par de méchants riffs de guitare électrique, dignes du plus alcoolique des bikers. C'est très clicheton par moment, bourré de citations à deux sous ("Let's get the hell out of here " un bon paquet de fois dans le film) et jouissif la plupart du temps. Humour noir de rigueur : "Ghosts of Mars " réussit à rester sérieux, sans jamais trop se prendre au sérieux. L'enjeu est réel, le danger palpable (avec des psychopathes possédés, auto-mutilés de la tête aux pieds), mais l'ironie et les clins d'œil sont permanents. Sans compter qu'avec son savoir-faire retrouvé, Carpenter fait rapidement oublier son manque de moyen, en délaissant sans regret les effets spéciaux à gogo pour préférer un récit conscrit aux espaces clos et austères. Le sieur John revient à l'essence même du film de science-fiction. Très fifties dans l'esprit, très moderne dans son traitement, "Ghosts of Mars " est un film Rock'n Roll emballant et un bloc de plaisir pur.

Christophe BENEY

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