GOSFORD PARK

 
Un film de Robert Altman

Etats-Unis. 2001. Scénario : Julian Fellowes. Photo : Andrew Dunn. Musique : Patrick Doyle. Production : Bob Balaban, David Levy et Robert Altman. Durée : 2 h 17.

Avec Kristin Scott Thomas, Maggie Smith, Emily Watson, Derek Jacobi, Stephen Fry...
 
My tailor is rich.
Soyez les bienvenus dans l'Angleterre des années 1930. Les Mc Cordle vous invitent dans leur majestueuse demeure. Au programme : petits déjeuners au lit, repas entre convives de haut standing, partie de chasse pour les hommes, puis réception autour d'une tasse de thé (ou de whisky) avec les femmes, enfin multiples discussions sur les questions d'argent fondamentales et soirées animées par des stars de cinéma en personne. Voilà, cela concerne les maîtres et maîtresses bien évidemment. Si vous êtes domestique, perdez votre nom dès l'instant où vous entrez et ayez l'obligeance de filer en vitesse vers vos quartiers. Votre programme : porter les petits déjeuners au lit, habiller ou déshabiller monsieur ou madame, servir à toute heure sans un mot de travers, rapporter les potins du jour, enfin danser en cachette sur les airs de votre star favorite. Ah ! Et j'allais oublier, assassiner le maître de maison lorsque vous aurez un petit moment… à moins que ce ne soit pas à vous de le faire…

Mc Cordle's fortune.
Sept nominations aux oscars, voilà qui devrait influencer le public à se jeter dans les salles. Et le fait est qu'il n'aura pas tort, car à nouveau Altman a vu grand dans un microcosme particulier. Cette fois-ci, il nous plonge dans l'univers ultra codifié de l'Angleterre fortunée des années 30 avec la finesse et l'élégance qu'on lui connaît. Nul doute que le tournage fût précédé de recherches approfondies sur le sujet pour au final retrouver un monde si traditionnel, si débordant de réalité et de vérités.

 
Tout dans le traitement à la fois de l'image et de l'histoire révèle une nature distinguée. Des cadrages travaillés dans le moindre détail, des décors somptueux et des plans séquences brillants de technique et d'ingéniosité font entre autre que le film se distingue dans le genre en question. Robert Altman figure dans la catégorie de ces réalisateurs capables de mener rondement plusieurs intrigues au sein d'une intrigue plus large. On se régale alors du florilège des personnages qui nous est présenté, chacun ayant sa pierre à porter à l'édifice. Le réalisateur ne s'est permis aucune concession, mettant au moment approprié la lumière sur le bon personnage, si bien que le spectateur ne se sent jamais lésé (même s'il faut un temps d'adaptation avant de s'habituer au nom de chacun).
D'autant plus que la mise en scène subtile d'Altman consiste à passer d'une intrigue à l'autre quasiment dans le même plan. Cela nous offre quelques plans séquence d'une délicatesse et d'une efficacité rare lorsqu'il récupère chaque personnage dans des discussions et des directions différentes (car la demeure est à la mesure du film : gigantesque). Durant la première partie, on assiste donc à une comédie de mœurs, doublée d'une fable sociale, empreinte d'un humour souvent grinçant à souhait. Puis dans la seconde partie, on bascule du côté du "whodunit " à la Agatha Christie tout aussi captivant. Le réalisateur expérimenté s'amuse donc à nous présenter le milieu en pointant du doigt les rapports complexes entre deux mondes totalement antagonistes, à savoir celui du maître et celui du serviteur, mais ne pouvant perdurer l'un sans l'autre.
 

Il nous implique également dans l'histoire puisque de toute évidence le monde est (même différemment) encore très hiérarchisé et impose de nombreux rapports de classe. Puis, lorsque nous croyons détenir la clé de la liaison entre les personnages, il nous déroute, nous guide de confidences en confidences sur de fausses pistes et joue à nous semer sans nous perdre de vue. Si bien que finalement, on est absorbé mais parfois à côté de la plaque. Mais le bonheur dans un "whodunit " (excusez-moi monsieur Hitchcock) n'est-il pas d'être surpris ? D'autre part, Altman introduit dans Gosford Park un rapport très fort au cinéma. En effet, il en profite pour dénoncer certaines méthodes de production Hollywoodienne à travers ses personnages américains. Mais il établit également un lien très fort entre le scénario tenu par le personnage du producteur et celui du film, l'un évoluant en fonction de l'autre chacun à leur tour. Altman informe le spectateur grâce à l'un et le désinforme grâce à l'autre… Ainsi s'installe son inlassable jeu avec la salle.
Bref un travail considérable qui fait de Gosford Park une œuvre forte dans le fond et la forme à ne pas manquer.

Téva BOURDIN

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