LES JOLIES CHOSES
 
Un film de Gilles Paquet-Brenner

France. 2001. Scénario : Gilles Paquet-Brenner, d'après le roman de Virginie Despentes. Photo : Pascal Ridao. Musique : David Moreau. Production : Alain Peyrollaz. Durée : 1 h 45.

Avec Marion Cotillard, Stomy Bugsy, Patrick Bruel, Ophélie Winter et Titoff.
 

Ma sister va crack-er.
Marie et Lucie sont sœurs jumelles. Lucie porte des minijupes. C'est une traînée. Marie porte des jeans. C'est une frigide. Une fois la caricature effacée, Lucie joue de ses charmes pour percer dans la chanson. Elle jouera le corps. Marie fera la voix. Puisque ce deal a déjà été vue dans d'autres films, Lucie se défenestre et Marie prend sa place.

Plutôt culottées ces "Jolies choses ".
Tout commence comme dans le pas si raté "Héroïnes " de Gérard Krawczyk, et l'on se met à redouter une énième resucée sur le thème du "mais-qui-suis-je-vraiment-dans-ce-monde-cruel-qu'est-le-show-business-avec-que-des-pas-gentils-qui-sont-jamais-eux-mêmes ". Autant dire qu'avec la présence au générique des très fashion tendances Stomy Bugsy et Ophélie Winter (et même de M6 à la production, aarghh…), on craint le trash toc à défaut de romance chic. Il faut bien dire que "Les jolies choses " sont loin d'éviter l'écueil du tape à l'œil et la représentation caricaturale des embardées nocturnes des stars (avec descentes aux enfers et drogues, en veux-tu en voilà).

 
A épingler au tableau d'honneur du mauvais goût et du pas crédible : une scène d'orgie hôtelière à faire rougir Bambi, tournée comme un clip des 80's et véritable catalogue de toutes les fonctions disponibles sur les derniers modèles de camescopes ; et une Ophelaïe tellement chaude qu'elle reste habillée même quand tout le monde est à poil.
Alors, ridicules ces "Jolies choses " ? Pas vraiment en réalité. Les thèmes chers à Virginie Despentes sont bien présents dans cette adaptation : la Province reste le royaume des beaufs et de la médiocrité ; haine viscérale de l'héroïne pour les mecs, ces belles ordures lubriques (surtout Titoff, dont le coup de rein cinématographique n'a rien à envier à son homonyme hardeur) ; la solution c'est l'autodestruction ; etc, etc… Refrain connu depuis la sortie de "Baise moi ", mais pas inintéressant pour autant et toujours détonnant.
D'abord parce que Gilles Paquet-Brenner a, pour son premier long, l'excellente idée de ne pas édulcorer son sujet. Les dialogues sont particulièrement incisifs et les réparties, savoureuses ("Ton copain t'a jamais demandé de te raser les jambes ?! Il est allemand ? ").
 

Sans concession, le traitement infligé aux personnages des "Jolies choses " est impitoyable dans sa noirceur, dans sa manière de briser les illusions. Et beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît concernant les états d'âme, la misère morale et sentimentale de son héroïne. Marie se retrouve obligée de se comporter comme son ennemi intime de sœur jumelle. Prise dans le tourbillon du show-biz et des médias, elle perd sa personnalité au profit d'une attitude dénaturée, ni tout à fait elle, ni tout à fait sa sœur. Le regard d'autrui devient une arme mortelle, comme dans cette scène inspirée où Marie attend que Nicolas (Stomy Bugsy) se retourne, pour en faire le spectateur de son hypothétique suicide.
Là se situe également l'autre réussite des "Jolies choses " : Marion Cotillard. Incandescente, brûlante de haine, elle irradie chaque scène d'une énergie négative terriblement fascinante. Les autres acteurs sont au diapason, notamment Stomy Bugsy et Patrick Bruel, impeccables de sobriété.
Le tout est emballé par les chansons d'Axelle Renoir, assurément de futurs tubes, et donne une œuvre étonnement originale, sombre et singulière, sous ses faux aspects de films pour djeunzes.

Christophe BENEY

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