TANGUY

 
Un film d' Etienne Chatiliez

France. 2001. Scénario : Etienne Chatiliez et Laurent Chouchan. Photo : Philippe Welt. Production : Charles Gassot. Durée : 1h 48.

Avec André Dussollier, Sabine Azéma, Eric Berger, Hélène Duc, Aurore Clément et Jean-Paul Rouve.
 
D'ACCORD
"Zen, soyons zen, ta la ta la… "
Tanguy aime ses parents comme personne et n'a aucune envie de les quitter. Le problème, c'est justement que ces derniers n'en peuvent plus de voir sa gueule enfarinée chaque jour que Dieu fait. Maman a beau en parler et en reparler à son psy, ça ne peut plus durer.
"Tu es tellement mignon. Si tu veux, tu pourras rester à la maison toute ta vie ", lui avait-elle dit, quelques jours après sa naissance. Résultat : Tanguy a 28 ans et il est toujours là. Comme quoi, être de bons parents n'est pas forcément "rentable ". Mais il n'est jamais trop tard pour changer. Un proverbe japonais dit d'ailleurs- je crois- "méfie-toi de l'eau qui dort ". Grand adepte de la culture asiatique, Tanguy va l'apprendre à ses dépens, sans pour autant perdre son calme exaspérant…

Chatiliez, chatouillez -nous encore !
On avait découvert Etienne Chatiliez avec La vie est un long fleuve tranquille, récompensé par quatre Césars, dont celui de la meilleure première œuvre. Avaient suivi Tatie Danielle et Le bonheur est dans le pré, deux grands succès faisant désormais partie du prestigieux patrimoine de la comédie française.

 

Tanguy est sans aucun doute du même acabit, grâce à une mise en scène très efficace dans sa capacité à nous plonger dans un univers décalé et pourtant si proche. Parce que ce qu'observe Chatiliez, ce dont il témoigne (certes avec humour, mais il s'agit tout de même d'un témoignage)…oui, c'est de nous : d'une génération qui a peur de rentrer de façon franche et autonome dans la vie, presque incapable de se prendre en charge.
Quelle facilité en effet de se laisser bercer par la tranquillité de ce fameux fleuve…Vous partez le matin nourrir votre intellect, le soir vous n'avez plus qu'à vous mettre les pieds sous la table…Après manger, rien de tel qu'une bonne sortie entre amis, pendant que Papa fait les comptes. Et au petit matin, Maman s'est déjà appliquée à vous préparer un bon petit-déjeuner. Personnellement, ça me rappelle quelqu'un …moi tout simplement. Et la jeunesse en général. Alors certes, nous n'avons pas tous 28 ans, mais une chose est sûre : quel que soit l'âge que l'on a, certaines responsabilités nous échappent…

 

Et puisque dans Tanguy, le proverbe est de mise, ici "le bonheur des uns fait le malheur des autres ". La plus subtile des ingéniosités réside dans le fait qu'E.C nous le fait passer par un humour caustique et décapant, le tout servi par des acteurs hors du commun (mention spéciale pour André Dussolier, hystérique dans un pétage de plomb faramineux).
Enfin, ce qui différencie Tanguy des précédents longs-métrages de Chatiliez, c'est sans doute cette application à fluidifier l'image par une abondance de plans-séquences parfaitement maîtrisés. On lui connaissait des talents indéniables de metteur en scène : il faut à présent y ajouter la capacité d'un parti pris filmique nettement plus marqué.
Tanguy, c'est vraiment que du bonheur.

Téva BOURDIN

 
PAS D'ACCORD

Mais qu'est-il arrivé à Etienne Chatiliez ? La sortie de l'un de ses films est, depuis le formidable "La vie est long fleuve tranquille ", un petit événement. Le moins que l'on puisse dire est que son dernier bébé est à jeter avec l'eau du bain. "Tanguy " est une comédie ringarde, indigne de ses impeccables interprètes et contaminée par un humour beauf tiré du pire de Francis Veber ("Le placard ", pour ne pas le nommer).
La vérité, c'est qu'en se séparant de sa complice scénariste Florence Quentin, partie réaliser "J'ai faim !", Chatiliez semble avoir perdu tout son mordant, toute sa jouissive impertinence. La trame narrative et les rebondissements de son "Tanguy " sont les fruits pourris de la plus approximative des écritures automatiques. On tombe de Charybde en Scylla en suivant ce qui se réduit rapidement à une succession de scènes plus creuses les unes que les autres ; avant d'atteindre enfin un sommet, celui du ridicule, dans un procès parents/enfant totalement improbable.
Le résultat est incohérent (certains moments sont montés comme des publicités), particulièrement longuet (la palme à une séquence finale chinoise aussi inutile que grotesque) et surtout extrêmement décevant.
Si Chatiliez voulait faire péter l'audience du prime-time de TF1, nul doute qu'il atteindra son but. Mais pour voir un vrai bon film, mieux vaut louer ses œuvres précédentes.

Christophe BENEY

 
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