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"Les films sont
des |
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madeleines de Proust
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Pour son huitième
film en tant que réalisateur, Gérard Jugnot
joue les héros malgré lui sous l'Occupation.
Son "Monsieur Batignole " se veut simple et touchant,
à l'image du cinéma qu'il défend. |
Pourquoi ce film au ton plus
grave que les précédents ? |
Gérard Jugnot : La comédie n'est pas
un fond, c'est une forme. Ce dont on parle est une chose
tellement intolérable, tellement difficile à
appréhender qu'il fallait que le film ait cette tonalité.
Tous les cinéastes un jour ou l'autre ont fait un
film là dessus. J'avais besoin de me frotter à
l'exercice. On a essayé de trouver un point de vue,
si ce n'est original en tout cas personnel, selon cette
majorité silencieuse. Je cours toujours après
cette idée : qu'est-ce qui fait qu'on peut passer
du côté des salopards ou du côté
des mecs biens. A cette époque, il y avait 90 % de
gens qui attendaient, 5 % de salopards et 5 % de héros.
Il était intéressant de se placer du côté
de Monsieur Batignole, un homme ordinaire qui veut rien
savoir, et de l'obliger à ouvrir les yeux et par
là même son cur.
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Pourquoi jouez-vous dans tous
vos films ? |
G.J. : D'abord parce qu'il y a de l'empathie. Cela
correspond à mon point de vue de metteur en scène/acteur.
J'ai besoin de me mettre dans la peau des personnages pour
comprendre. C'est par de l'identification plutôt bienveillante
que je peux comprendre les choses, comprendre le monde.
C'est une démonstration d'avocat. Les avocats disent
"nous ". C'est comme le chef d'orchestre : il
est au contact de ses musiciens, il est sur scène
avec eux.
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Comment avez-vous trouver l'acteur
qui joue Simon, l'enfant juif ? |
G.J. : Je dit souvent pour déconner que je
l'ai trouvé dans un catalogue en Belgique ! Non,
en fait je l'ai vu à la télé dans "Sans
famille ". Il est réellement juif. Il me semblait
important qu'il fasse parti de la communauté juive
pour qu'il soit au fait des problèmes qu'a rencontrés
ce peuple.
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A-t-il bien vécu le tournage
sachant que le film parle de la persécution des juifs
? |
G.J. : Quand vous tournez un film, vous n'êtes
pas conscient de ça. C'est du jeu. Il y a les techniciens,
on est en 2002
Quand il est sur le palier et qu'il
dit : "Je n'ai pas mangé depuis trois jours
", on sortait juste de la cantine ! Par contre, quand
il a vu le film, il a été bouleversé.
Même moi, quand je le revois, je peux être touché
alors que je sais comment ça a été
fabriqué. C'est toute la force du cinéma qui
vous émeut. Ce qui vous touche, ce n'est pas ce qu'on
raconte, c'est ce que ça éveille en vous,
d'identification ou de souvenir. Les films sont des espèces
de grosses madeleines de Proust qu'on trempe dans ses souvenirs,
dans ses émotions.
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Dans tous vos films, on remarque
un désir d'avoir une portée universelle
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G.J. : J'essaie de faire des films simples mais
pas simplistes. Je trouve que l'élitisme dans le
cinéma est un fascisme. Je vais vers quelque chose
de riche, j'espère de pas idiot, d'intelligent, jamais
intellectuel. J'essaie d'être perceptible par le plus
grand nombre. C'est pour ça que j'aime les sentiments,
les émotions, le rire.
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Propos recueillis par Sébastien
JOUNEL
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