"Elles sont jolies mais se
balancent des vacheries "
François Ozon, nouvel enfant chéri du cinéma français, n'a pas sacrifié son impertinence pour cause de prestigieux casting. Il revient avec deux de ses interprètes, Virginie Ledoyen et Firmine Richard, sur ses partis pris si singuliers.
Avez-vous éprouvé une certaine appréhension à diriger un tel casting ?

François Ozon : Je ne réalisais pas vraiment. Une fois que j'ai trouvé la pièce à adapter, j'ai pensé qu'elle prendrait plus de force avec des actrices connues de plusieurs générations. C'est un film sur les actrices et leurs rapports entre elles.

 

Quelle a été votre réaction en sachant que de telles actrices joueraient dans votre film ?

F.O. : Au début, je me pinçais pour être persuadé que c'était vrai mais j'ai vite oublié leur statut de star. La première semaine, j'ai été très impressionné mais nos relations sont devenues très simples.

 

Comment avez-vous pensé le casting ?

F.O. : A partir du moment où le casting se constituait de stars, je suis parti de la plus grande, Catherine Deneuve, et j'ai ensuite construit une famille autour d'elle.

 

N'y a-t-il pas eu de problèmes d'ego entre les actrices ?

F.O. : Tout le monde disait que ce serait impossible, qu'il y aurait trop de rivalités…Mais en fait, toutes voulaient faire le film.

 

Comment vous êtes-vous retrouvé sur le projet ?

Firmine Richard : J'ai rencontré François Ozon à la fin du casting. Il pensait à un personnage de gouvernante. J'ai beaucoup aimé jouer ce personnage et j'ai accepté car je savais que j'avais affaire à de vrais professionnels. Ce fut un vrai bonheur d'être parmi toutes ces grandes. Ce personnage est une femme de réflexion.

 

Chanter a-t-il été difficile ?

F.R. : C'était la première fois. On m'a assurée qu'avec la technique, même les gens sans voix pouvaient chanter ! C'était très excitant. Le travail s'est surtout porté sur les émotions, car c'est un moment fort de la vie de Mme Chanel. C'est la découverte de son jardin secret. Elle chante quand les mots ne sont plus assez forts.

 

Quel a été votre sentiment de jouer avec ces actrices ?

Virginie Ledoyen : On ne peut pas être actrice sans les aimer. Jouer avec des grandes est stimulant, excitant. Tout à coup, ce sont huit comédiennes qui bougent ensemble et non une succession de numéros d'acteur. Il y avait un esprit de troupe que l'on ne trouve pas forcément dans le cinéma.

 

Une grande importance est accordée aux vêtements…

V.L. : Le film est par essence féminin et esthétique. Ce n'est pas simplement de la coquetterie : c'est aussi une façon d'exister.

 

Le jeu est très théâtral. Avez-vous travaillé cela de manière spécifique ?

V.L. : Je n'ai jamais eu l'impression de faire du théâtre. C'est vrai qu'il y avait une grande fantaisie dans le jeu. Elle permettait de grossir les traits, sans perdre de vue le personnage. Et le travail à huit demande beaucoup d'investissement : ce sont huit manières d'être, différentes et non antagonistes.

 

Quel personnage auriez-vous aimé interpréter à la place du vôtre ?

V.L. : Celui de Daniel Darrieux. C'est un personnage schizophrène mais qui, tout de même, aime Suzon.

 

Pourquoi avoir gardé cet aspect théâtral ?

F.O. : Aujourd'hui, tous les films cherchent l'identification. Ce qui m'intéresse, c'est de retrouver cet effet de distanciation et assumer ce caractère représentatif. C'est une manière de respecter le spectateur sans lui faire oublier sa condition. Les scènes musicales le rapprochent ainsi du personnage.

 

D'où vous est venue l'idée des fleurs du générique ?

F.O. : D'un film de Cukor, "Women ", qui commençait par une comparaison des actrices avec des animaux. J'ai choisi d'être plus élégant et de le faire avec des fleurs.

 

Comment avez-vous choisis les chansons ?

F.O. : Ce sont des chansons que j'aime.

F.R. : J'aimais beaucoup la mienne. C'est une chanson de Dalida que je ne connaissais pas. C'est un numéro comme au cabaret. Chacune avait le sien. Ce fut un moment un peu magique.

V.L. : L'idée est que les chansons soient une extension de nos personnages. C'est sans prétention que nous les avons chantées. Il faut que ce soit amusant. Ces chansons sont des monologues qui en disent plus sur les personnages que ce qu'ils veulent montrer.

 

Quels ont été vos inspirations pour les personnages et le film lui-même ?

F.O. : L'idée est de rendre hommage aux actrices des années 50, très belles, inaccessibles… J'avais envie de retrouver cet esprit, mais il me semblait que bien qu'elles soient jolies, elles pouvaient aussi se balancer des vacheries.

 

Propos recueillis par Sébastien JOUNEL