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"Floup, floup...
Coin, |
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coin... Floup...
Plouf ! " |
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Jacques Perrin malade,
c'est le producteur délégué du film,
Jean de Trajomain, qui s'est collé au jeu des questions/réponses.
Il donne un aperçu du travail titanesque accompli pour
réaliser "Le peuple migrateur " et des nombreuses
difficultés rencontrées. |
Au générique de
fin, la liste des intervenants est très importante.
Comment s'est déroulé le travail de préparation
? |
Jean de Trajomain : Au tout début, nous nous
sommes entourés de grands spécialistes en
ornithologie qui sont restés avec nous jusqu'à
l'aboutissement du projet. Les questions étaient
: où se trouvent les oiseaux ? Qu'est ce qu'ils font
? A quelle époque ? Après ce travail, la recherche
des lieux de tournage a commencé. L'équipe
a été dispersée sur la planète.
Certaines scènes ont été très
difficiles à tourner. Par exemple, nous voulions
filmer le Fou de Bussard sur une falaise en Islande. Comme
le site est protégé, il a fallu faire énormément
de démarches afin d'y avoir accès. Nous souhaitions
également filmer les plus beaux déserts, en
Libye : une année de négociations a été
nécessaire afin d'avoir les autorisations nécessaires.
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Vous parlez des difficultés
concernant le travail d'investigation des sites de tournage,
mais comment vous est venue l'idée folle de filmer
des oiseaux ? |
J. de T. : Voler avec les oiseaux, c'est un vieux
rêve de l'humanité. Nous nous sommes retroussés
les manches pour construire ce rêve. La sélection
des espèces à filmer s'est faite sur leur
beauté, les chemins qu'elles parcourent. Il était
nécessaire de connaître l'itinéraire
de chaque oiseau, savoir qu'à un moment donné
et à tel endroit, tel oiseau va avoir une attitude
particulière. L'équipe devait souvent attendre
plusieurs jours sur place, avant qu'il ne se passe quelque
chose.
Pour la caméra, nous avions un U.L.M.. Le pilote
était à l'arrière et le cameraman,
caméra à l'épaule, à l'avant.
Il fallait adapter le vol de l'appareil à celui des
oiseaux. Certains vont tout droit, d'autres, comme la cigogne,
montent et descendent selon les thermiques (NDR : les courants
d'air chaud qui glissent sur les masses d'air froid et ont
un mouvement ascendant). Cela explique d'ailleurs en grande
partie la migration des cigognes, pourquoi elles contournent
la Méditerranée où il n'y a pas de
thermique.
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Vous avez tourné 220 heures
de film. Comment avez-vous sélectionné les images
? |
J. de T. : Pendant que l'U.L.M. repartait filmer,
toute la pellicule tournée était développée
: c'est pourquoi il y a tant d'heures de réaliser.
Une première sélection était alors
effectuée. Le choix final s'est bien entendu déroulé
au montage. Jacques Perrin n'a choisi les images qu'une
fois dos au mur, mais il était nécessaire
de laisser de côté certaines scènes.
Pour avoir une idée du travail effectué, c'est
comme si nous avions eu au début un grand champ de
fleur : il fallait récupérer les pétales
pour en remplir un camion, puis les transformer en un tonneau
de nectar, et enfin une fiole. Sauf qu'ici, ce n'est pas
la chimie qui fait le travail, c'est Jacques qui décide.
Un scénario était écrit pour chaque
voyage. L'histoire a ensuite évolué mais les
idées directrices ont été conservées.
Quand on voulait tourner une séquence, on composait
d'abord un story-board et après, on faisait avec
les aléas du tournage. On filme jusqu'à éprouver
une sensation dans une prise, jusqu'à avoir une idée,
un rapprochement des plans entre eux. Mais nous étions
tributaires de nos "acteurs " et il fallait souvent
patienter.
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Comment s'est déroulé
le tournage avec les oiseaux, la vie avec eux, leur compagnie
? |
J. de T. : Nous avons travaillé avec une
quinzaine d'espèces, chacune très différente
de l'autre : les pélicans par exemple sont très
affectueux, alors que les cygnes vivent dans un rapport
de société dominant/dominé. Mais tout
s'est bien passé. Les oiseaux ont été
éduqués dans l'uf, en écoutant
le bruit d'un moteur de U.L.M., et leurs accompagnateurs
les ont suivis dès leur éclosion afin de les
habituer à la présence humaine. On a d'ailleurs
été obligé d'adapter une grille de
protection aux U.L.M.s, pour éviter des câlins
trop dangereux, près des hélices.
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La musique joue un rôle
prépondérant. Qu'est-ce qui a décidé
de son importance dans le récit ? |
J. de T. : Choisir Bruno Coulais nous paraissait
évident du fait de nos collaborations passées
sur "Microcosmos" et "Himalaya". Son
travail sur les sons, les bruits et les ambiances prend
tout son sens sur les images du film. Je sais que ce fut
un grand bonheur pour Bruno de travailler avec le spectacle
procuré par les heures de film à sa disposition.
Il a composé sa musique en même temps que le
montage. Ses recherches ont donc été très
foisonnantes et seule une petite partie de tout ça
a été gardée dans la version finale.
En dehors des musiques, le son était en grande partie
direct. Seuls quelques passages ont été recomposés.
Le plus souvent, un enregistreur MiniDisc était attaché
au col d'une oie. On faisait s'envoler le groupe d'oiseaux
et on écoutait ce que ça donnait. Parfois,
on entendait seulement "floup.. floup.. coin.. coin..
floup
plouf !" : les oiseaux s'étaient
posés sur une mare et le matériel était
foutu. Comme nous ne pouvions pas prendre le son en U.L.M.
à cause du bruit du moteur, E.D.F. avait mis à
notre disposition une voiture électrique que les
oiseaux suivaient. Elle nous permettait de faire des prises
de son direct lors des tournages en bord de mer.
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Que sont devenus les oiseaux après
le tournage ? |
J. de T. : La plupart est retournée dans
la nature. Certains sont encore avec nous parce qu'ils doivent
réintégrer leur milieu progressivement. Prenez
les pélicans. Normalement, 62 % des petits meurent
avant deux mois. Aucun de nos pélicans élevés
n'est mort, mais ce sont des animaux trop fragiles pour
être remis dans la nature. Sinon les oiseaux prêtés
par des parcs naturels ont étés restitués
aux parcs. Pour les grues, nous avons travaillé en
partenariat avec la Russie. Dans un programme de repeuplement
des grues de Sibérie, les ornithologues russes échangent
des ufs de cette espèce avec des ufs
de grues cendrées (dont la population est importante
en Russie), car les nids de ces dernières sont plus
faciles à trouver. Les grues de Sibérie sont
donc élevées par des grues cendrées,
avant de retrouver les leurs pour les premières migrations.
Les ufs de grues cendrées substitués
nous ont étés remis pour les besoins du film.
Les oiseaux sont aujourd'hui introduits dans le nord de
la France, au sein d'un programme de repeuplement de l'espèce
dans la région Nord-Pas de Calais.
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Propos recueillis par
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Paul GIRAUD
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